mardi 2 août 2011

Traverser le Texas : LA ROUTE, AMARILLO, VERS SANTA FE / 2 Days


Pour raconter ces journées et jusqu'au récit notre arrivée en Utah, certains souvenirs vont me faire défaut, je veux dire : une mémoire anecdotique et du rythme du temps. Entre la nuit passée à Big Thicket et l'arrivée dans les déserts de l'Utah, je n'ai pris aucune photo, ni de Amardillo, ni de Santa Fe, où nous sommes pourtant restés deux jours, et les images fixées aident à scander les souvenirs. Je me souviens avoir acheté des pellicules à La Nouvelle Orléans, j'en conclus que ce ne sont pas des raisons techniques qui m'ont empêchée de photographier ces endroits – quoique, j'ai sûrement renoncé à certaines photos à cause du manque de lumière. Les énormes camions illuminés que nous voyions passer à l'horizon quand nous étions attablés dans le noir près de notre tente dans le camping de Amardillo étaient remarquables mais ils étaient trop lointains et il faisait nuit. Les jours où nous avons traversé le Texas étaient sans doute moins photogéniques que les autres. Je ne dit pas que les endroits étaient moins photogéniques. Et je ne juge pas des moments ni même un voyage à cette aune. Simplement, ce que je veux dire, c'est que c'est plus difficile à raconter maintenant.

░┼░ is fond of photoshop

Mardi 2 Août

Nous levons le camp vers 7h, petit-déjeunons après une courte marche pour rejoindre la voiture et partons aux alentours de 8h, préparés à passer la journée sur la route. On remonte tout d'abord le Texas par l'est, la végétation est toujours verte, moins dense qu'en Louisiane, mais bien loin de l'image que l'on se fait du Lone Star State. 
Nous nous arrêtons dans la matinée dans un bled pour poster des lettres. Thomas envoie à ses parents une immense reproduction d'une ancienne carte de La Nouvelle Orléans. La postière est très accueillante, nous bavardons à propos de notre voyage. Ce village n'est sûrement pas très touristique. On dirait que le temps s'y est arrêté. Dans mon souvenir, il est construit le long de la route, constitué de petits commerces et d'habitations semblant vides qui se font suite. Même sous un soleil très franc, il est comme endormi.

Il fait extrêmement chaud, plus de 100°F (environ 38°C), la clim tourne à plein régime. Sur l'autoroute, des panneaux conseillent de faire des provisions d'eau pour le voyage. Cela semble une précaution évidente, mais la route qui s'offre à nous parcourt des étendues de plus en plus désertes, sans possibilité de s'arrêter pour se rafraîchir. Nous écoutons en silence de la musique. The Beau Brummels, The Kinks, Lee Hazlewood, Bo Diddley, Serafina Steer, Vampire Weekend, Spiritualized.

Nous bifurquons vers une ville dans l'idée de pique-niquer à l'ombre mais c'est chose rare et nous devons nous résigner, après avoir hésité à rester dans la voiture pour profiter de la climatisation, à manger tout suants nos bagels sous un maigre arbuste, sur un immense parking d'église – de telles choses existent ci. Peu avant, sur l'autoroute, nous avions été frappés par la présence d'un gigantesque panneau publicitaire invitant les voyageurs à emprunter la sortie prochaine pour rejoindre une immense église à proximité, perdue – nous l'avons aperçue – dans des hectares d'asphalte, un immense parking vide, sans doute une megachurch
Certains ici exhibent ou vantent le christianisme ; cela donne parfois lieu à de bonnes blagues, comme ce panneau "Walmart is not the only saving place" croisé quelque part sur la route.

À mesure que l'on remonte vers le nord-ouest, vers Dallas et Fort Worth, le paysage devient de plus en plus aride, la verdure laisse place à des buissons secs et à de la rocaille à perte de vue. Il y a de moins en moins de villes, de moins en moins de panneaux, de moins en moins de commerces sur la route. Il nous reste encore pas mal d'essence, tout va bien. À Witchita Falls on écoute Ornemental Sideshow des Witchita Fall.
Puis, au détour d'une côte ou d'un virage, on découvre de nouveaux paysages désertiques, des étendues vierges aux couleurs claires à couper le souffle, une épave, une maison abandonnée, une station essence désaffectée, un ranch où louer des vidéos pour adultes, des enseignes au lettrage très saloon.
La route grimpe et cela s'ouvre et s'offre d'un coup. Jusqu'à l'horizon dans les herbes aplaties par le soleil sont plantés des poteaux électriques de bois noir. Quelques minuscules nuages cherchent leur place sur le ciel bleu, c'est magnifique de simplicité, j'ai envie de prendre une photo, mais on continue à rouler.
On s'arrête le soir à Amarillo au nord ouest du Texas après 10 ou 12 heures de route. On plante notre tente, il n'y a rien ou presque à 100 kilomètres à la ronde.

Arrivé à Amarillo, Thomas se rend compte qu'il n'a pas le numéro de téléphone des personnes que l'on devait contacter pour être hébergés la nuit et que, quand bien même il l'aurait noté, ces personnes vivent à Oklahoma City, c'est-à-dire à. 
Notre chance c'est qu'à quelques miles de la station essence où cette délicate situation se révèle se trouve un camping privé. Nous arrivons par contre juste après l'heure de fermeture de la piscine, mais les bières fraîches achetées à l'accueil sont déjà une façon d'entamer la soirée. 

Au matin, on prend la direction du nouveau Mexique sur l'interstate 40, on écoute. Le sol et la pierre deviennent de plus en plus rouge. Depuis Amarillo, les villes ont de plus en plus des consonances hispaniques, on approche du but. On roule sur un tronçon de l'ex route 66, tous les 15 ou 20 miles, il y a un panneau à l'honneur de celle-ci, un ville sur le chemin porte même le nom de Moriaty (nb: personnage central descendant et remontant sans relache la route 66 dans On the Road de Jack Kerouac). On bifurque vers le nord, et nous voilà à Santa Fe.



lundi 1 août 2011

BIG THICKET / 1 Day

Lundi 1er Août / Day 24

Il nous faut moins de trois heures pour rejoindre Big Thicket ("le Gros Fourré") au sud-est du Texas. Ce n'est pas un parc national mais un national preserve - je ne vois pas bien la différence. On se pointe aux visitors center, Cécile regarde les chapeaux tout moches et renonce une nouvelle fois à acheter de quoi se protéger la tête. Xavier et moi boudons un peu tous les gadgets pour enfants, on va plutot discuter avec une ranger et Cécile nous rejoint vite. La garde forestière est charmante, elle nous conseille quelques coins où camper et se balader. Elle nous mène ensuite dans une salle de projection où nous avons droit à un film sur l'histoire de Big Thicket.

C'est un lieu qui a tout d'abord été habité par des indiens puis, au début du XIXe siècle, par des anglo-saxons protestants venus cultiver ses terres marécageuses. Le Thicket a souvent servi de refuge, notamment aux soldats fuyant la guerre de Sécession entre 1861 et 1865.
La fin du film est consacrée à la faune et à la flore du parc. L'endroit est un des plus bio diversifié du monde. Mais, ce que je retiens surtout, c'est qu'il semble infesté de serpents dangereux et qu'il faudra y randonner un bâton à la main et marquer nos pas en frappant le sol.


Big Thicket est un énorme bayou comme on en trouve au sud de la Louisiane mais, malheureusement pour nous, 2011 est année de sécheresse et le Texas vient de connaître deux semaines à plus de 40°C : le bayou est complètement à sec. En voiture, nous choisissons de nous diriger, sur les conseils de la ranger, vers un endroit où nous pourrons censément voir des cerfs. Nous nous installons pour pique-niquer dans une clairière au bout d'un chemin en terre près d'un vieux cimetière, à l'ombre d'un gros arbre. En regardant alentour, on se demande comment on va bien pouvoir pénétrer la végétation, très dense, pour randonner un peu et planter notre tente quelques kilomètres plus loin - selon les règles de camping, strictes et un peu compliquées. Finalement, les moustiques, 
voraces et insensibles à notre produit, nous empêchent de profiter du moment et nous décident à changer nos plans.

Nous remontons donc dans la voiture et optons pour une seconde destination, à quelques dizaines de kilomètres. La journée est déjà avancée, alors une fois arrivés, on ne marche qu'une grosse heure.

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La végétation est superbe malgré la sécheresse qui nous permet de fait de planter notre tente dans une cuvette sans doute normalement immergée, pleine de cyprès aux racines énormes qui ressortent plus loin verticalement comme des gueules de crocodiles. L'endroit est fascinant et enchanteur, on se croirait dans Jurassic Park.

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On a vaguement trimé pour trouver au sol une étendue suffisante, sans racine en stalagmite, pour planter notre tente, alors on se sent un peu pionniers ; on aurait presque le port fier et comme une machette à la main. Pour descendre à la rivière, le chemin est hasardeux. On glisse, on perd de notre superbe, on fait les gosses.

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La rivière court sur un lit de sable, parmi de grands arbres plein de lianes, nous nous y baignons, nus pour finir.

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Nous nous prélassons, certains plus que d'autres, puis nous retournons nous balader une petite heure à lumière du coucher soleil, absolument seuls.


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Quand on rentre, je me baigne à nouveau, c'est tellement chouette. 

Alors qu'on s'apprête à faire une soupe avant de se coucher, il fait déjà presque noir et on se rend compte qu'on n'a plus de gaz pour le réchaud. Il faut faire l'aller-retour à la voiture. On prépare finalement le dîner à la lueur d'une lampe torche puis on se couche enfin, entourés de bruits nouveaux - c'est un peu magique.

dimanche 31 juillet 2011

LAFAYETTE / 1 day

Dimanche 31 Juillet / DAY 23

On prend la route pour Lafayette. On quitte l'interstate au bout de deux heures pour se rendre plus au sud à Lake Fausse Pointe, qui selon Justin est "the swampiest place ever". C'est beau, mais c'est loin d'être aussi marécageux qu'un Lac St Martin où nous avions préalablement prévu d'aller, le bayou par excellence selon les guides, moite et sombre à souhait. Point d'alligator, point, pour nous, de cyprès mousseux plongés dans l'eau, mais une balade en canoë sur les canaux qui se ramifient sur un partie du lac.

On se perd presque. En plus, Thomas et Xavier se disputent sur la technique à adopter pour ramer efficacement. Vraiment, c'est la fois où ils ont le plus été en colère l'un contre l'autre. C'était sans doute inévitable, surtout à trois dans une seule embarcation avec deux rames seulement. Je pense à ma mère, elle en rirait, à chaque fois que l'été nous lui soumettions avec ma soeur une sortie canoë sur l'Yon, elle répondait que oui, ça fait envie, mais non, c'est trop pénible, on passe son temps à cogner dans la berge et on s'engueule à chaque fois. Ca gâche la journée. Et déjà que là, on boudait un peu de ne pas voir de bayou...



Pour une fois, je suis diplomate, on se calme, on avance plus ou moins selon le plan bizarre qui nous a été donné à l'entrée du parc (tout à l'heure, avant que, attablés dans une aire de pique-nique à l'orée d'un parking vide, l'humeur en berne à cause des moustiques, des bizarres odeurs environnantes et de la chaleur presque insoutenable, nous ne mangions à trois en guise de déjeuner une petite conserve de haricots rouge-sauce sucrée).

Et puis malgré nous, à la force de nos biceps, nous rejoignons le lac à proprement parler - le but aurait été, plutôt, de naviguer parmi les chemins d'eau. C'est beau, très vaste et pourtant peu profond. A tremper sa main dans l'eau, on conclut qu'elle est chaude, quelque chose peut-être comme 27° C. Finalement, dans un coin à l'ombre sur le chemin du retour, on se déshabille un peu et se met à l'eau, plus pour s'amuser que pour se rafraîchir.



On amarre notre embarcation à un ponton brûlant. On ne peut pas vraiment plonger, mais on se marre bien en s'enfonçant à mi-mollet dans la vase. Cécile ne veut pas toucher de ses pieds à ce sol visqueux et crie à chaque fois qu'elle le frôle. Je fais le malin, mais je redoute à moitié qu'un croco pointe son nez.

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On se rend ensuite à Lafayette, simple étape, pour une nuit chez Zahra avant de partir pour Big Thicket - Texas le lendemain. Mais notre hôte n'est pas chez elle et n'y sera pas pour plusieurs jours. On ne la connaît pas, mais nos échanges d'emails lui ont plu, elle me dit au téléphone qu'elle trouve notre voyage génial et regrette de ne pouvoir en parler avec nous ; c'est incroyable : elle nous  laisse donc son appartement ouvert. Quel bonheur que de pouvoir profiter d'un lieu rien que pour nous après toutes ces semaines de couch surfing, sans obligation de subir les horaires des autres ou de faire du small talk. Du coup, on choisit de partir acheter de quoi se préparer un chouette repas. 


(changement de temps)


Je m'étais trouvée un peu malade sur la fin de la route pour Lafayette, aussi quand Xavier et Thomas sont sortis faire des courses pour le dîner, je suis restée seule dans l'appartement. J'ai pris une douche et pour une fois, au sortir de la salle de bains, je n'ai pas eu cette sensation un peu désagréable d'être moite malgré le fait de s'être juste séchée : il faisait chaud, un temps orageux même, mais pas exagérément humide. J'ai enfilé la petite robe noire que j'avais trouvée à La Nouvelle Orléans. Elle se cintre à la taille grâce à un mince ruban. J'ai chaussé mes nus-pieds et me suis maquillée un peu, pour oublier ma baisse de forme passagère. Ca devait être un repas de fête, un peu. 


reproduction d'un dessin d'enfant, dans la chambre du copain de Zahra ░┼░


Il fut d'ailleurs excellent. Thomas s'était rappelé le nom d'un bon vin rouge (Casillero del diablo) et avait décidé du menu : des pâtes aux brocolis, anchois, piments, lait de coco et pignons de pin. Xavier, d'ailleurs, l'a élu d'emblée meilleur repas du voyage. 

Nous avons lancé une machine à la laverie de la résidence, en bas, près de la piscine ouverte qui faisait grise mine sous la pluie. Dans la lumière déclinante, sa surface piquée par les grosses gouttes et les tristes transats de plastique blanc, depuis la coursive de l'immeuble, prenaient un tour assez cinématographique. 

On s'est endormis alignés tous les trois dans le salon. Nos vêtements, à côté, sentaient bon la lessive, c'était chouette.
 

jeudi 28 juillet 2011

NEW ORLEANS part 2 / and three more days

Jeudi 28 Juillet / DAY 20

Je retrouve Justin à 10h du matin, il a les yeux d'un type qui a dormi 3 heures, il me file les clés de son appart, on dépose nos affaires et on retourne explorer le Vieux Carré.

On se fait un full English breakfast en guise de brunch au Fleur de Lys, on déambule, on finit rapidement sur Jackson Square, on s'installe à l'ombre sur d'immenses bancs en demi-lune, un type endormi pète si fort qu'il en fait vibrer tout le banc, son voisin nous adresse un sourire goguenard et complice. Je laisse Cécile et Xavier à leurs cahiers et cartes postales, direction the music factory pour un peu de record digging en quête de quelques trésors locaux. Cécile et Xavier me rejoignent vite pour cause de pluie diluvienne. Je ne trouverai en soul néo-orléanaise qu'un Lee Dorsey et un Dixie Cups.

On continue notre errance, on se retrouve devant le couvent des Ursulines, où l'on aimerait voir un diorama de 1915. Ledit couvent est fermé pour cause de vernissage privé, mais puisque nous sommes français, les deux femmes postées au portail nous invitent à entrer. On trouve là quelques stagiaires françaises, du vin, du faux fromage, des 
crakers, du pain tout mou, d'opulentes poitrines et cette fameuse exposition sur le père Antoine, figure notable de la Nouvelle Orléans du XVIII - de diorama, point.


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On reste là finalement plusieurs heures. Moi, ça m'embête un peu - d'où peut-être l'auto-portrait dans les sanitaires. L'expo est très succinte et pas terrible (malgré le potentiel comique de Père Antoine). Je ne sympathise pas tellement avec les stagiaires, que je trouve un peu limitées et méprisantes quand il s'agit de parler de la ville et de ses habitants. Il faudrait discuter d'Histoire, d'institutions, d'archives, comme Xavier, mais ce n'est pas mon truc. Sans compter que les mamelons, forcément, ça m'affole moins. (Je fais exprès les enfants).

On profite un peu de l'appart de Justin avant qu'il ne rentre, enfin un salon propre ! On se tâte pour une soupe (essayez, ça marche !), puis Justin débarque avec un peu de soul food qu'il nous offre pour s'excuser des déconvenues de la veille. C'est sacrément bon. On discute, on écoute de la musique, il joue un peu de batterie, je consulte un chouette ouvrage très documenté sur les Stones.


Vendredi 29 Juillet / DAY 21


Vers neuf heures du matin, nous nous éveillons, un peu avant Justin qui est en retard pour partir travailler. Le petit-déjeuner et la toilette sont rythmés par la musique proposée par Radio New Orleans, diffusée partout dans l'appartement par des hauts-parleurs cachés dans le plafond de chacune des ses pièces. Du jazz, naturellement. 

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A midi, nous partons faire un tour au cimetière St Louis, où se trouve la tombe de Marie Laveau, illustre prêtresse vaudou, qui accueille les modestes offrandes d'anonymes (colliers typiques issus de la tradition du carnaval, maquillage, bouts de tissu, … badges, cartes, tickets, coton tiges... ).

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Nous filons ensuite au presbytère sur Jackson Square, ancienne place d'armes de la ville française je crois, pour visiter une exposition sur l'ouragan Katrina, ses causes, ses manifestations, ses conséquences. Le visiteur y est accueilli par le piano déglingué de Fats Domino, dans l'état où il a été trouvé suite au passage des ouragans. Je prends quelques notes au cours de la visite. J'en recopie quelques-unes ici. 

"The success of river control inadvertently helped destroy coastal wetlands, which allowed storm-induced surges of gult water to intrude farther inland." (Le système performant de contrôle des eaux fluviales a ironiquement concourru à la destruction des marais de la côte, ce qui a permis aux afflux d'eaux provoqués par l'ouragan d'avancer plus loin dans les terres.)

Le Superdome (immense stade) a une capacité d'accueil usuelle de 10 000 à 12 000 personnes ; le 1er septembre, il est ammené à protéger 35 000 personnes. 
Une grande partie du toit est emportée par les vents de Katrina, ouvrant la voie aux bourrasques et à l'eau, et entraînant chez les réfugiés la peur que l'édifice ne s'écroule. La coupure d'électricité laisse les gens dans l'ombre et l'humidité. Les sanitaires étant sur-occupés, les gens sont forcés de se soulager où ils peuvent. Cela devient, selon le maire, "real ugly, real fast".

Chaos : "Plus d'une douzaine de policiers New-orléanais, retraités ou toujours en exercice, ont été accusés d'avoir tiré sur des civils ou d'avoir étouffé des incidents."

"The road home program" : financé par l'Etat fédéral, il s'agissait d'un programme visant à compenser les dégâts immobiliers non-assurés des Louisianais suite aux ouragans Katrina et Rita. Pour en profiter, il fallait au choix opter pour une aide à la reconstruction ou bien vendre son bien immobilier au programme et déménager. 8,61 millions de dollars ont été distribués ; le programme comptait 127 792 bénéficiaires en septembre 2010. Mais les règles du programme changeaient souvent, les biens immobiliers étaient souvent sous-estimés, et surtout le système pâtissait d'une grande lenteur administrative. En 2010, une court fédérale a établi que le "Road home program" était discriminant, aux dépends des propriétaires afro-américains. Les bourses étaient basés sur les valeurs immobilières précédant l'ouragan au lieu des frais de réparation. 

Nous avons trouvé cette expo plutôt bien conçue, pédagogique mais aussi largement mélodramatique. L'omniprésence un peu relou du mot "résilience" et le film de clôture nous ont un peu gênés. Nous sommes quand même restés là-bas une bonne partie de l'après-midi. J'étais un peu passée à côté de ces informations-là. Je pense m'être justifiée alors avec l'idée que les Etats-Unis étaient un pays bien pourvu pour affronter ce genre de catastrophe et c'était totalement idiot de ma part. Les disparités, évidemment, y sont effrayantes au contraire (et le fait que les habitants du sud de la Louisiane se soient sentis abandonnés par les pouvoirs publics américains est un exemple, s'il en faut, qui me donne tort). 

Nous déjeunons créole ensuite, chez Coop's dont l'enseigne figure un alligator gourmand : des bols de sortes de ragoûts. Pinces de crabes, huîtres cuites -bouillies en fait-, riz et eau parfumée. Gumbo (pas mal), Jambalaya (alright). Et puis après quelques tentatives ratées (disquaire et thrift store clos), nous nous nous dirigeons vers le grand City Park, aux pelouses gorgées d'eau et aux chênes majestueux, décorés de végétation parasite en forme de guirlandes dégoulinantes. De la fougère aussi bien envahit leurs branches.


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C'est ici que nous nous sommes installés pour écrire nos cahiers, après nous être utilement enduits de répulsif à moustiques - voilà le genre de chose dont on oublie de parler dans un cahier de voyage et qui pourtant conditionne pas mal un séjour : les piqûres de moustique. Xavier, lui, bouquine son guide, il va devenir imbattable sur l'histoire de la Louisiane, assurément.

Quand la nuit commence à tomber nous quittons le parc dans l'idée de retrouver Justin pour aller manger à Napoleon House. L'endroit est plus ou moins l'état, les murs en sont décrépis, cela participe au charme supposé de cet historic landmark.
C'est une vieille demeure à la peinture décrépie soit disant destinée à l'Empereur corse comme refuge au retour de St Hélène. Y est-il jamais venu ? On dîne dans le patio de style colonial. L'endroit est à la fois cosy (couleur, lumière et mobilier), guindé (serveur en chemisette et noeud pap) et tropical (plantes, coursives, chaleur moite, et ventilateurs au plafond). Alors que nous venons de passer commande, Justin, à l'aise, s'adresse au serveur tiré à quatre épingles en lui donnant du "you know what, sir, I think I'll need a couple of minutes to make my mind." On boit pas mal de bière locale, la nourriture n'est pas folle contrairement à ce à quoi l'on pourrait s'attendre vu l'allure du lieu, mais c'est bon, et nourrissant, et nous n'en demandons pas tellement plus (actually, Xavier did. Il commande une entrée de boudin et un copieux poboy - de "poor boy"). Justin est loquace, il nous raconte tout du pourquoi les Etats-Unis sont un pays aussi divers que l'Europe, pourquoi il n'est pas monogame, tout de sa virée hallucinée en voiture qui a fini dans une beer-barn (une grange drive through à bière où l'on rentre en voiture et se fait servir des caisses de bière au volant, bravo l'Amérique). Il a trente ans et parfois son enthousiasme adolescent le fait oublier. 

Une fois rentrée, je m'endors sur le gros pouf du salon, Thomas fume avec Justin je crois, j'imagine que Xavier parcourt le livre qu'ils ont tous les deux avidement lu, sur les Rolling Stones, par Bill Wyman. 


Samedi 30 Juillet / DAY 22


Rien que de faire le trajet de l'appartement de Justin à la voiture avec nos sacs sur le dos, nous sommes trempés de sueur. Je pense à ce moment-là aux futures randonnées dans les déserts de l'Utah. Un cheval pantelant attelé à une calèche attend en plein cagnard quelque touriste ; derrière lui, posé sur le siège du cochet, un gros paquet de carottes épluchées est déjà éventré, que l'animal, pour sa chance, ne peut pas voir.


Les garçons passent deux bonnes heures de notre début de journée à rechercher des 45 tours dans la mine de Jim Russell sur Magazine Street. C'est sacrément poussiéreux, il fait chaud, pas de clim pour une fois, je n'ai jamais autant transpiré en cherchant des disques mais qu'importe, j'y serais bien resté plusieurs jours. Des bacs à n'en plus finir et des murs entiers de 45 tours. J'y trouve un sacré paquet de disques à $3, du classique au plus obscur. Lavern Baker, Castaways, Music Machine, Orlons, Merry Go Round (encore), Association...

Pendant ce temps, je parcours la très belle et calme Canal Street que divise sur la longueur un large terre-plein de pelouse ponctué de bancs, de fontaines et d'arbres centenaires dont les lourdes branches survolent le sol comme si elles avaient poussé en subissant des convulsions. 


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Je trouve au thrift store que j'avais repéré sur internet quelques pin's, une robe noire, une jupe bleue et un tee-shirt à rayures. Tous les vêtements sont cédés pour $2 la pièce. 

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Nous mangeons dans un resto mexicain des burritos ou quesadillas copieux, c'est un moment très agréable si l'on fait abstraction de la sur-climatisation du lieu. De toute façon, on retourne vite dans la chaleur du jour en parcourant Magazine Street. On fait de courtes étapes dans quelques fripperies, dans une échoppe d'instruments de musique où d'improbables tambourins dominicains prétendument rares sont empilés par vingtaines. Thomas achète un milk-shake à la fraise très sucré, bref, on s'arrête tous les dix mètres en parfaits touristes. Pour découvrir les grandes demeures plantées dans de riches jardins de Garden District, on choisit d'emprunter le streetcar vert de la ville. L'engin est d'époque, très beau. Comme toujours devant ces géniales machines, je pense à grand-père, que je devrais lire La Bête humaine, immanquablement j'amalgame les illustrations sur l'apogée de l'âge industriel, Tennessee Williams, les quais enfumés, le fourmillement bruyant des gares lors des premiers congés payés, la planche de la bande-dessinée sur Gandhi où il se fait jarter d'un wagon blanc et le manteau de polytechnicien de Pierre Bailly. 

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Après cela, c'est l'heure de rejoindre la maison d'Alyssa, sur qui j'ai aussi projeté pas mal de clichés ; je reste surprise en traversant son quartier. 
On est à la fois heureux et un peu désemparés de découvrir cette partie de la ville, où la peinture craquelle encore plus qu'ailleurs, où une maison sur cinq est abandonnée. Elles sont toutes construites sur le même modèle, sur pilotis, tout en long - depuis l'entrée jusqu'au jardin, une enfilade de pièces - et portent le stigmate en croix de la visite des secours après Katrina. Alyssa m'explique que certains habitants se sont empressés de repeindre leur façade tandis que d'autres ont choisi de ne pas cacher la marque de leur épreuve. En fille un peu désabusée, elle trouve cela neat, comme de pouvoir apercevoir depuis le haut du château d'eau où elle monte parfois fumer, un énorme "HELP" bombé sur le toit de l'école en face de chez elle, abandonnée depuis. 

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On boit des bières, on joue avec ses amies à apple to apple en suçant des bâtons de glaçon parfumé. Un peu avant, les trois filles et leur copain collectionneur de capsules travaillaient ensemble à un dessin collectif truffé de spirales et de champignons.


En somme, elles ont l'air de vivre à la cool dans leur maison meublée à moindre frais (Alyssa a même trouvé pour sa coloc un chouette piano abandonné que celle-ci a appris à accorder) et peuplée de poils de chien. Le vieux labrador et son petit ont des gestes vraiment attendrissants. Ils se baladent librement d'un bout à l'autre de la maison-couloir. Alyssa dit qu'ils dégagent beaucoup de chaleur et qu'avant d'emménager dans le quartier, elle voyageait avec eux dans son van vert psychédélique et souffrait de la température intenable.

PS : Alyssa ne sort jamais sans sa spork. C'est pourquoi je lui en ai dessiné une, tintant sur sa hanche, pendue à un mousqueton. Si vous ignorez ce qu'est une spork, ce mignon dessin vous l'expliquera. 

mercredi 27 juillet 2011

NEW ORLEANS part 1 / first day

Mercredi 27 Juillet / DAY 19
"Déjà plus qu'un mois !" - oh spoilt little ones

Avant de commencer, pour vous plonger directement à la Nouvelle Orléans et mettre un fond musical à votre lecture, voici un extrait du concert des New Orleans 6 dont il est question plus tard dans ce message.


On the way to New Orleans

Nous n'aimons pas tellement l'idée d'arriver à la Nouvelle Orléans sans avoir croisé le Mississippi alors en quittant l'appartement de Bryant, nous naviguons un peu à l'aveugle dans Vicksburg pour trouver un endroit qui nous offrirait une belle vue sur le fleuve. 
La petite ville vit sur son passé sécessionniste. On croise de vieux bâtiments de briques, des maisons de bois avec porche et double porte en moustiquaire, on traverse des quartiers plus résidentiels qu'à Memphis, mais les maisons, toujours, sont un peu décrépies. Et puis on découvre le Mississippi.
Il est monstrueusement large. Le steamer blanc qui y mouille et la végétation folle sur la berge opposée complètent très bien le tableau, c'est pour ainsi dire comme attendu, aussi beau. Et l'air chaud dès le matin est étouffant. 

Nous écoutons Forever Changes de Love très fort, puis Bob Dylan sur la Highway 61 en direction de Natchez. Le temps passe vite. Les paysages ont quelque chose de joliment exagéré. La végétation est incroyablement luxuriante, son vert est d'une couleur intense ; une sorte de lierre énorme recouvre le sol et les arbres gigantesques, donnant au paysage des allures tropicales.

Natchez est une vieille bourgade (à l'aune du pays) coloniale, au bord du Mississippi, de petites maisons aux jardins bien tenus y côtoient d'imposantes demeures de planteurs, les rues sont fleuries et bordées d'arbres énormes, sombres, noueux et majestueux, avec leurs fameuses mousses espagnoles pendantes, comme on ne semble en trouver que dans le sud du pays.
Nous décidons d'y faire une courte pause avant de reprendre la route. 

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Alors qu'on a déjà un creux au ventre, on passe devant une cahute en bord de route qui indique hot tamales. Thomas s'exclame que c'est fameux, il en garde un souvenir enthousiaste, il ne nous en faut pas plus pour nous arrêter - ce serait très mal connaître Xavier que de l'imaginer renoncer à une telle étape. Ce sera notre apéritif, c'est-à-dire, nous mangerons quand même un vrai repas après hein ? Ces trucs-là consistent en un mélange de farines et de viande cuit à la vapeur dans des feuilles d'épis de maïs. Xavier reste sur sa faim. T'es sûr Thomas que ça se mange pas, demande-t-il en mâchonnant le contenant qui ressemble pourtant à du papyrus. 

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Sans savoir d'abord que cela rallongera notre voyage du jour de deux heures et demie, nous optons en repartant pour des routes secondaires cette fois, aux dépends des 
interstates, bien que celles-ci soient de toute façon bien plus plaisantes que les autoroutes françaises - la vue y est dégagée et les abords en sont changeants. De cette manière, nous suivons de loin le lit du Mississippi, que nous apercevons quelques rares fois, nous longeons d'anciennes plantations, nous croisons des foules d'oiseaux blancs, plusieurs rapaces. En clair des étendues presque vierges, des verts dépaysants, noyés parfois dans les marécages. 

Pas un chat sur la route. Après quelques dizaines de kilomètres, c'est morne plaine. Seuls des chevaux ou des vaches dans les champs et les aigrettes à leurs côtés animent le paysage. On double deux camions chargés de troncs d'arbres, on dépasse quelques puits de forage, des ponts militaires, des centrales électriques ...



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Puis je donne le volant à Xavier. On retrouve l'
interstate autour de Bâton Rouge, sous une pluie battante. On semble rouler sur l'eau à l'approche de la Nouvelle Orléans, sur des kilomètres, la route est en fait le tablier d'un pont très bas : à gauche l'énorme Lac Pontchartrain, à droite le bayou.

New Orleans

Avant d'atteindre la Nouvelle Orléans, on parvient à joindre Justin Newman par téléphone, notre nouvel hôte, qui nous annonce qu'à cause d'un contre-temps, il n'arrivera chez lui qu'entre minuit et trois heures du matin. On se figure qu'on veillera jusque là alors après avoir garé la voiture dans un endroit qu'on espère pas trop craignos, on s'engage à pied dans le French Quarter, autrement appelé Vieux Carré, le plus ancien quartier de la ville, entièrement répertorié comme national historic landmark

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Le sol est mouillé, il y a une odeur de pluie ... Je m'attendais à trouver une poignée de maisons coloniales au croisement des deux rues les plus fréquentées, il n'en est rien, elles sont partout. Les bâtiments sont hauts de deux ou trois étages, aux couleurs vives, aux balcons en coursives de fer forgé ou bien de fonte, où l'on retrouve souvent des plantes tombantes et luxuriantes dégoulinant d'eau sur le trottoir.


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On déjeune au Camellia Grill au milieu de l'après-midi. C'est une sorte de diner tout carrelé de blanc. Les tabourets habillés de cuir foncé sont disposés en U autour d'une d'allée où un serveur noir aux dents cerclées d'or fait le bonimenteur. A part nous, les quelques clients qui sont là ne l'écoutent pas vraiment. L'homme à la chemise rose et aux cheveux gominés qui nous fait face semble être le propriétaire des lieux. La cinquantaine avancée, il porte au poignet la grosse montre qui indique qu'il a réussi sa vie. Sa femme lourdement bijoutée et maquillée mange à côté de lui un burger, le portant à sa bouche tout à la fois avec précaution et ennui.

On découvre ensuite le Jackson Square, bordé de ses Palomba buildings. Diseurs de bonne aventure, musiciens, mimes et autres weirdos peuplent l'esplanade qui donne sur le cathédrale St Louis.
On explore, on zigzague et tourne en rond entre les rues Royale, St Charles, St Louis, Decatur, Toulouse, on évite les néons vulgaires, les enseignes tape-à-l'oeil et la musique envahissante de Bourbon Street que l'on rejoindra plus tard - c'est une longue rue -, plus à l'Est, après avoir quitté la rue Dauphine en direction du Faubourg Marigny.
Il s'agit de trouver la Frenchmen Street, à l'écart du centre, dont nous a parlé Bryant de Vicksburg. Lui non plus n'affectionne pas la cohue phosphorescente de Bourbon Street.

Les bâtiments aux galeries fleuries se font plus rares, des maisons en bois aux couleurs passées et à la peinture écaillée les remplacent. Les rues sont désertes ou presque, où sont les gens ? Où se retrouvent-ils pour boire un verre ? Cette partie de la ville laisse une drôle d'impression d'endroit inhabité, hormis le centre colonial franco-espagnol où grouille une foule de touristes et d'autochtones incroyablement accueillants qui nous lancent en nous croisant un how're you doing ? souvent agrémenté d'un grand sourire ou d'un oeil pétillant. A mesure donc que l'on s'en éloigne, les rues sont moins fréquentées, la peinture décrépit, les boiseries sont usées par le vent et la pluie, les trottoirs se craquellent et pas un habitant sous son porche, vaguement quelques personnes à vélo, tout semble vide.

On traverse l'Esplanade, grande rue bordée de ces arbres larges aux branches tombantes du sud marécageux des Etats Unis. Et puis on atteint Frenchmen Street, enfin un endroit vivant. On la descend, à la recherche du bar parfait pour se reposer et écrire nos cahiers. Mais on ne trouvera rien de cela : l'heure est avancée et tous les établissements proposent déjà des concerts qui résonnent jusque dans la rue.

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On opte alors judicieusement pour The Spotted Cat. Au comptoir, une pale ale à la main, on écoute The New Orleans 6, un sextet de jazz - Nouvelle Orléans oblige -, mais à la mode dixieland, piano, contrebasse, batterie minimale avec une chouette grosse caisse des années 20 ou 30, saxophone, trombone, trompette et voix : c'est délicieusement désuet, enjoué et bondissant. Le bar se remplit, on prend une deuxième tournée.




 Arrive ensuite l'heure de St Louis Slim & the Frenchmen Street Jug Band pour un set de ce que l'on apprendra plus tard être de la swamp pop (pop des marais). Le batteur du premier groupe troque sa batterie pour une washboard dont il joue fichtrement bien, cela me donne envie d'aller dépoussiérer celle qui se trouve au grenier du Lou et d'investir dans un jeu de dés à coudre.




On est un peu rincés par la journée mais honnêtement, il y a plus désagréable façon d'attendre que la nuit avance. D'ailleurs, on rigole pas mal et puis la musique, si bien exécutée, nous plonge parfaitement dans ce qu'il convient sans doute d'appeler l'esprit de la ville, je ne sais pas quoi dire d'autre, ce que nous imaginions quand nous préparions le voyage, penchés sur la carte des Etats-Unis ; nous avions tellement hâte d'y être. 




Interview bilan de Cécile & Xavier en 2 parties pour Radio Moustache

Allez tant pis une photo prise avec un téléphone portable ░┼░

Quelques sons pris dans la rue en sortant du Spotted Cat.


On quitte le bar vers une heure du matin. Notre hôte, censé rentrer chez lui entre minuit et 3 heures, est injoignable. Nous sommes trop fatigués pour poursuivre la nuit alors nous rejoignons la voiture, pensant discuter en attendant le coup de fil de Justin, mais à peine arrivés nous nous écroulons de fatigue.

Impossible pourtant de dormir vraiment, il fait horriblement chaud. En quelques secondes la buée obstrue les vitres. 
Mais les garçons ont peur que le quartier soit mal famé - comme il en a l'air c'est vrai -, il n'est pas question de s'endormir en laissant les fenêtres ouvertes. Cela ne serait pas exagéré de dire que c'était une expérience pénible, avoir si chaud ; je me le rappelle parfaitement. Dans un état de demi-sommeil, on ouvrait de temps en temps une portière, quelques secondes, pour faire entrer un peu de fraîcheur, sans résultat probant.

Je me réveille vers 2 heures et demie, suant à grosse gouttes, toujours pas de nouvelles. J'appelle Justin, il répond, il est au volant et se confond en excuses, il a eu un problème et ne sera pas chez lui avant 7 heures du matin. Il fait pourtant beaucoup trop chaud pour continuer à mal dormir dans notre carrosse coréen.
Nous partons donc à la recherche d'un motel. Rapidement nous en trouvons un, sur Canal Street, face à la brasserie Dixie Beer désaffectée. C'est tout comme dans un film : deux étages avec coursives en bois, grand panneau "Motel" façon 50's planté à l'entrée du parking, veilleur de nuit asiatique, fille noire assise sur les marches attendant quelque client ; puis notre chambre un peu miteuse, lit éventré, moquette râpée et robinetterie de merde, mais à cette heure, cela nous semble un havre de luxe providentiel. Je dors profondément du sommeil du juste.