vendredi 22 juillet 2011

GREAT SMOKY MOUNTAINS / PART 2 / 2 days

Voilà pour vous la suite du récit de notre périple estival : le reste de notre séjour dans le parc des Smokies avant d'entamer notre voyage vers le sud ; direction la Louisiane, en passant par Nashville et Memphis. 
Le temps de vous rappeler que Xavier, Thomas, et moi Cécile, écrivons à tour de rôle. Pour que vous sachiez qui parle, nous avons mis en place un très ingénieux "code couleur". Si vous vous sentez un peu infantilisés par ce dispositif, dites que vous vous repérez aux marques évidentes de nos styles littéraires respectifs, ça nous fera plaisir aussi. Ah oui, parce que vous pouvez évidemment nous laissez des commentaires et suggestions. Bonne lecture ! 


Thomas en rouge / Xavier en vert / Cécile en bleu. PHOTOS : Thomas ▄▀▒ / Cécile ░┼░


Vendredi 22 Juillet / DAY 14 / la piste des Appalaches


Les gens ici parlent beaucoup de the Appalachian Trail, un sentier sur la cime des Appalaches, long d'environ 3 500 kilomètres, partant au sud du mont Springer en Géorgie, allant jusqu'au mont Katahdin dans le Maine, et continuant encore pendant 3100 kilomètres à travers le Canada. La cime des Appalaches sépare le parc des Great Smoky Mountains sur toute sa longueur, et cela nous excite pas mal d'en parcourir un bout. Nous consultons donc la carte et repérons trois abris dans lesquels nous pourrions séjourner la nuit suivante, histoire de ne pas avoir à transporter la tente, mais aussi histoire de se sentir plus protégés. L'épisode de l'ours nous à pas mal remués et je dormirai plus sereinement dans un simili chalet de pierre et de rondins que dans un igloo de plastique. J'appelle donc le "backcountry reservation office" depuis notre camping qui dispose d'une cabine en ligne directe avec ledit bureau, pas besoin d'argent, c'est parfait. Seul l'abri Peck's Corner dispose encore de places libres, c'est le plus éloigné de ceux que nous avons repérés, il faudra marcher 11 miles, 18km avec pas mal de dénivelé, nous devrons donc nous lever tôt.
La montre de Xavier sonne vers 6h, il fait un peu froid, j'opte pour le pantalon, je ne sais pas comment Cécile et Xavier font pour garder leur short. Nous petit-déjeunons rapido, nous plions notre tente rafistolée et préparons nos sacs pour deux jours de randonnée. Après trois quart d'heure de route vers le départ du sentier, on gare notre Hyundai au New Found Gap, on regarde comment le parking est orienté par rapport au soleil, on place stratégiquement la voiture pour qu'elle bénéficie de l'ombre de la falaise le matin et des arbres l'après-midi histoire que nos précieux 45 tours ne souffrent pas trop de la chaleur. 


░┼░ est un as de Photoshop


Il y a déjà du monde au point de départ de la randonnée, mais comme à chaque fois dans les parcs nationaux américains, les badauds restent dans un périmètre très limité, et comme pour notre virée vers le campement 68, le début du sentier est damé et délimité par des rondins ; ensuite, après une demi-heure de marche, il n'y a plus personne ou presque, on croise quelques randonneurs qui descendent la piste au pas de course avec tout leur attirail high tech, nous ne sommes pas aussi équipés, mais avons tout de même fière allure avec nos marcels blancs raccords (il paraît que leur nom vient de celui de Marcel Cerdan : le boxeur aurait été le premier à avoir coupé les manches dans son chandail pour faciliter le mouvement et ne pas être gêné par la sueur) (et d'ailleurs vous le savez déjà si vous avez lu le récit des jours précédents). De la sueur, alors, nous ne souffrons pas trop ; nous attrapons bien quelques suées en arrivant en haut de quelque pente, mais l'air est incroyablement humide, une vapeur d'eau nous enveloppe, parfois la brume est si dense que l'on ne voit pas à 5 mètres à la ronde. 


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Vers midi, nous atteignons Charlies Bunion, réputé pour être un des points de vue les plus majestueux du parc et nous ne voyons rien que de la brume. Ils ne sont pas trompés en nommant les Great Smoky Mountains de la sorte. Un type est assis, il grignote des biscuits, je crois qu'il nous en propose, il fait vraisemblablement une blague mais je ne comprends pas grand chose tant son accent est "épais" comme on dit ici. On est presque à mi-parcours, on se dit qu'on va marcher encore une heure avant de faire une pause déjeuner. On poursuit donc notre route le long de la cime des montagnes : la Caroline du Nord à droite et le Tennessee à gauche. J'ai dans la tête 'Tennessee, Tennessee' de Homer & Jethro, cela me fait marcher d'un bon pas. 

Par moments, la forêt dense s'ouvre et nous offre une vue sur les horizons, les versants des montagnes sont couverts de pins, cela doit s'étendre sur des dizaines et des dizaines de kilomètres mais nous n'en voyons qu'un bout. Je repense à mon voyage trans-américain trois ans auparavant et à la Nouvelle Ecosse, elle aussi d'un vert sombre et couverte de pins. Vers 13h, nous faisons halte sur le chemin, deux grosses souches nous servent de table et de chaises, l'atmosphère est  presque lugubre, les troncs sont d'un noir intense et tout est incroyablement humide, le sol, les pierres, les arbres sont couverts d'une couche d'eau. On se fait cuire des pâtes lyophilisées comme deux jours auparavant, à cause de leur fumet, on pense un peu à l'ours, mais pas trop. Il commence malheureusement à pleuvoir, Cécile trouve refuge sous les racines d'un arbre mort, Xavier et moi surveillons la cuisson du repas. Un père et sa fille croisent notre chemin. 


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Il nous reste quelques cinq miles à parcourir, mon sac commence à me tirer sur les épaules. Nous nous arrêtons parfois quand la vue est dégagée et la brume moins dense, on boit un peu, on admire le paysage puis on reprend la marche. Cécile, en tête, chante du Boris Vian, Xavier est derrière. Malgré tout, nous marchons d'un bon pas, dépassons même le couple qui nous est passé devant à l'occasion du repas, il nous rejoindra plus tard au refuge. Le sol, accidenté et un peu boueux, est de temps à autres jonché de fleurs de magnolia, mes pieds sont trempés, je commence à fatiguer, cela fait longtemps que nous n'avons pas vu de pancarte, aurions-nous manqué un embranchement ? 

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Une patte d'ours ! On voit sur le chemin la trace d'une grosse patte d'ours dans la boue ! Ca me fait évidemment penser à notre visiteur crépusculaire de l'avant-veille, sauf que celui qui a laissé cette empreinte-ci devait être bien plus costaud !


Et puis voilà, un panneau de bois : Peck's Corner, 1,2 mile. Je me sens plus léger. Nous enjambons un petit ruisseau où je remplis ma gourde. Cécile est sceptique, nous ne devrions pas boire cette eau, alors nous attendons d'atteindre le refuge pour pouvoir la mettre à bouillir. Nous sommes les premiers à nous y installer, c'est une cahute sommaire : sous un toit en pente, deux larges couches de bois superposées y font office de sommiers, le sol, entre trois murs de pierre, est fait de terre battue, il n'y a pas de porte, qu'un banc de la largeur de l'abri, qui est grand ouvert sur la nature. Et si... mais non, rien n'arrivera.
Je fais bouillir de l'eau, nous dégustons un café et une barre de céréales chacun, voilà un goûter bien mérité. Le père et la fille que nous avions doublés lors de notre repas arrivent un peu après nous, voilà dix jours qu'ils sont partis et arpentent le sentier des Appalaches à raison de 15 à 20 kilomètres par jour, ils n'ont pas l'air fatigués, ils en parcourent une portion chaque été et ont le projet de faire tout le sentier, les 3500 kilomètres d'ici quelques années. Sacrée entreprise. Ils ne sont pas les seuls, plusieurs vétérans de la marche nous rejoignent, un couple de cinquantenaires taciturnes ainsi qu'un père et ses deux fils au physique de footballeurs américains. Nous passons la fin d'après midi à remplir nos carnets, je consigne nos journées à Philadelphie dans le mien et pose quelques colles au père de la fille puisqu'il est prof d'histoire. Comment s'appelle la femme qui a cousu le drapeau américain déjà ? "Hummm" longue pose, "damn it", nouvelle pose, "oh yeah, I know, it's Betsy Ross". Mais oui Betsy Ross bien sûr.
Je descends à nouveau chercher de l'eau à la source en contrebas, il commence à faire sombre, j'ai presque peur (l'ours !). Nous savourons une soupe chaude ; après une cigarette, je me couche rompu.


Vendredi 23 Juillet / DAY 15 / le retour


La nuit sur les couches de bois a été assez chouette, je me suis réveillé plusieurs fois dans la nuit et ai écouté les bruits de la forêt. Je crois que j'ai secrètement rêvé qu'un ours fasse irruption !

Le père et ses deux gamins costauds sont assez bruyants mais ça va, ça fait partie de l'ambiance.
Les quinquas (quinquas !), eux, sont les plus tôt levés et les plus tard partis, une façon de profiter du lieu j'imagine.

La descente se fait tranquillement, Thomas se plaint un peu de son sac. Je fais attention, j'ai fait le malin la veille au matin et ai glissé sur une pierre plate. J'ai beau avoir des chaussures adaptées pour marcher, si je fais l'idiot, je me retrouve sur l'arrière train !

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J'adore repasser par le même sentier, j'aime bien revoir les choses à plusieurs heures de décalage, les arbres, les points de vue. Et puis cette fois, on prend l'embranchement pour aller voir Charlies Bunion. Comme la veille, c'est vraiment brumeux mais on a le droit à un instant magique où les nuages s'ouvrent de façon éphémère devant nos yeux et l'on comprend pourquoi ce point de vue est le chouchou des guides du parc ! D'ailleurs, sur le petit piton qui surplombe la vallée, nous sommes bientôt à l'étroit car de nombreux groupes affluent, des jeunes, des vieux, des randonneurs aguerris, des touristes qui redescendront juste après avoir pris LA photo, s'ils ont la chance d'avoir eu droit à une éclaircie.


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On fait des calculs savants pour savoir si on a marché plus vite à l'aller ou au retour ; j'avais en effet chronométré notre performance la veille, en essayant de stopper ma montre quand on faisait des pauses.


Ensuite, il y a débat pour savoir si l'on doit continuer sans manger - on est assez près de l'arrivée - ou si l'on fait une pause déjeuner. La tentation est forte pour moi de continuer et de m'offrir en récompense un bon repas dans un restaurant après quelques miles, histoire de changer de nos soupes et céréales... Bon, en même temps, c'est pas méga baroudeur de faire ça ; du coup je suis ok pour que nous nous arrêtions dans un petit refuge, du modèle de celui où l'on a dormi. Thomas prépare une mixture avec ce qu'il nous reste : riz et épinards, il est désolé car nous avons oublié le sel et le poivre dans la voiture, son plat est donc insipide. Moi, je trouve ça vraiment dégueu mais bon on n'a que ça ...


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Sur le parking, à l'arrivée, il fait une chaleur monstrueuse, peu compatible avec notre profonde envie de nous déchausser, de nous asseoir et de nous délasser. Il faut se résoudre à s'installer, tout suants, dans le four qu'est devenu la voiture pour prendre la route.

En quittant le parc, je me souviens d'avoir eu ce génial sentiment d'être en vacances depuis longtemps et d'avoir pourtant encore une multitude de paysages et de villes à découvrir dont je n'ai alors même pas idée.


Sur le chemin du retour, nous passons par le visitor's center, je veux de belles cartes postales ! Cécile aussi 
- c'est l'anniversaire de mon père - ; elle achète un beau sticker du parc pendant que je parcours de superbes bouquins sur la faune et les randos...

En sortant du parc, on se retrouve assez vite sur une très large route, bordée d'un nombre incalculable de commerces, d'hôtels et surtout de parcs d'attraction... Nous sommes à Pigeon Forge, une ville entièrement consacré à l'activité touristique, une resort city.


Ce pays est vraiment impressionnant par sa capacité à juxtaposer des univers différents et contradictoires : on vient de quitter un lieu où la nature est protégée, mise en valeur, sanctuarisée, et très vite on se trouve plongés dans un urbanisme mochasse et les pires travers de la leisure society. Enfin, ça nous fait quand même assez marrer. Le long de la première portion de la route, c'est ambiance cabane de rondins et pancakes : tous les hôtels et restaurants en proposent. Puis, plus on avance plus les bâtiments s'agrandissent, ce ne sont presque que des parcs à thème et des simili-musées comme, par exemple, celui sur le Titanic, qui figure une réplique de l'énorme navire !

Depuis la voiture, Thomas téléphone à Virgile, notre hôte français de Nashville, pour lui dire qu'on arrivera chez lui en avance : on a des soucis de
timing, sans doute dus à un décalage horaire entre la Caroline du Nord et le Tennessee. Notre GPS ne nous aide guère, il se met à jour de façon bien étrange.


Je conduis pour une partie du voyage et je trouve ça super beau, la route est bordée de grands arbres et de champs, il fait toujours extrêmement chaud, bien plus que là haut, et j'hallucine toujours, je me dis qu'avec une chaleur pareille tout devrait être grillé mais non !