lundi 25 juillet 2011

MEMPHIS / VICKSBURG / 1 day

Mardi 26 Juillet / DAY 18


Nous quittons Nashville le matin vers 9h, nous devons rouler jusqu'à Vicksburg, Mississipi, notre étape avant La Nouvelle Orléans, et même si n'avons pas pu trouver de logement à Memphis, pèlerinage musical oblige, nous avons très envie d'y aller. Si Nashville est la capitale de la country, Memphis est celle du rock'n'roll originel, que Elvis et ses compères du Sun Studio ont piqué à leurs voisins noirs. Parce que Memphis c'est ça, des blancs, des noirs, un conservatisme forcené et une pauvreté qui fait s'installer les noirs dans des baraques en périphérie, certains luttent, trouvent refuge dans la musique et tirent leur épingle du jeu. Au milieu des années 50, on y joue du rythm and blues, et quand arrivent les années 60, Memphis devient la Mecque de la soul sudiste avec le Studio Stax, Otis Reeding, Eddie Floyd, Rufus Thomas ou encore Sam & Dave...

On arrive là-bas sur les coups de midi, on se gare pas très loin du Studio Sun, qui se trouve donc un peu en périphérie de la ville, dans les bas quartiers. On s'installe dans une sorte de bar où la clim est à fond, à déguster de super Chili burgers et des frites crénelées ; il y a encore et toujours plus de glaçons que d'eau dans nos verres.

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Le Studio Sun est bien-sûr devenu un musée mais on y trouve plus facilement des mugs et des t-shirts à l'effigie d'Elvis que des 45 tours de Johnny Cash. On tente quand-même la visite, tout excités d'ailleurs. Notre guide répondant au nom d'Eldorado est assez marrant, ils nous fournit quelques anecdotes, quelques informations intéressantes, mais j'écoute parfois cela d'une oreille distante, tellement j'ai le regard accaparé par les vieux micros à rubans RCA et les énormes enregistreurs à bandes aux potards colossaux. Mes yeux pétillent.
La visite est de bien courte durée et je suis un brin déçu, c'est le studio de 1954, tel quel, et entièrement, que j'aurais voulu voir et non pas cette version partiellement muséifiée pour touristes nostalgiques, mais bon, c'est chouette tout de même.

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Il nous reste ensuite peu de temps à passer à Memphis et nous choisissons d'y faire un tour en voiture, aussi parce qu'il fait toujours extrêmement chaud. Le temps de s'arrêter au Studio Stax et de tenter en vain d'apercevoir Graceland depuis l'avenue E.Presley que bordent moult motels devant lesquels d'immenses panneaux affichent hommages et prières à la star décadente. Puisque l'entrée se monnaye, et cher, nous parcourons ses alentours, à la recherche de l'impression pittoresque que nous avait laissée peu auparavant la traversée de quartiers noirs, leurs maisons à la peinture défraîchie. Finalement, nous n'avons pas vraiment découvert Memphis, mais ce que nous en avons vu nous a un peu fait regretter de ne pas pouvoir y rester quelques jours. 

Nashville était la porte du Sud, à Memphis nous y sommes résolument et ce sentiment sera de plus en plus fort à mesure que nous continuerons notre chemin vers La Nouvelle Orléans.

C'est ainsi que la route - revêtement jaune sable - qui nous mène à Vicksburgh, bordée d'arbres immenses, denses, serrés et touffus et d'étendues marécageuses, nous ravit. Nous écoutons de la musique de La Nouvelle Orléans, Thomas conduit, Xavier somnole. Lorsque nous sortons de la voiture à la faveur d'un changement de chauffeur, sur une vieille station essence du Mississippi, une bouffée de chaleur moite nous engloutit, qui sent la terre ou la forêt après la pluie ; c'est presque violent.

On entame les derniers miles. Cécile lit tout haut "Je suis d'ailleurs", une nouvelle de Lovecraft. Il est presque vingt heures, le soleil n'est plus très haut et commence à rougir, nous sommes à quelques kilomètres de Jackson Mississippi, la route dessine ses premiers virages depuis Memphis - pendant trois heures j'avais conduit sur une ligne droite.

Nos hôtes à Vicksurgh sont deux garçons colocataires depuis peu, de notre âge à peu près, photographes pour un canard local. Ils plaisantent à propos du peu d'intérêt des faits divers qu'ils doivent illustrer et des moeurs très réactionnaires de leurs concitoyens, mais ils semblent aimer leur métier, bien qu'il les oblige à habiter cette petite ville de 17 000 habitants où peu d'étudiants vivent. Ce même soir, ils accueillent deux Américains très volubiles et chaleureux qui traversent aussi les Etats-Unis pour déménager sur la côte Est et qui en profitent pour passer leur été sur la route. Le garçon apparemment connaît la côte Ouest et son arrière-pays comme sa poche et nous prodigue une foule de conseils sur des endroits peu fréquentés à visiter et les itinéraires que nous pourrions adopter. Il nous fait un peu peur à parler de la chaleur intenable à cette saison dans la Death Valley et nous songeons vaguement à reconsidérer cette étape. Alors qu'ils se relaient à évoquer paysages luxuriants parsemés d'arbres fruitiers, animaux sauvages peu farouches, villes fantômes et tempêtes de neige, nous les écoutons avidement.